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Mehdy Mariouch : Jerada, les oubliés de la mine

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Jeune photographe marocain, Mehdy Mariouch signe une première série poignante sur la mine désaffectée de Jerada dans l’Oriental. Publiée pour la première fois, elle marque le renouveau d’un photoreportage marocain engagé.

 

Réalisé en seulement 48 heures, ce reportage magistral shooté en numérique fait partie d’un projet global appelé Bribes de vie. Ancien photoreporter pour le site d’information H24.ma, Mehdy Mariouch est déjà un habitué des thématiques sociales au Maroc. Il a signé plusieurs portfolios en ligne sur les sans-abris du centre-ville de Casa ou sur les bidonvilles périphériques, menacés de destruction par des projets immobiliers. Ce sont ces petits morceaux de vie qui font le monde, qui intéressent Mehdy Mariouch. Jerada est sa première série personnelle, menée en dehors de tout circuit journalistique ou artistique, dans cette petite ville du bassin minier de l’Oriental. À la manière d’un Zola, Mariouch y descend dans les profondeurs de la condition humaine. Au départ, il voulait traiter de la prostitution des femmes qui permet aux familles de subsister, les hommes étant tous au chômage. Puis en arrivant sur place, son intérêt s’est recentré vers la mine elle-même, là où tout a commencé.

 

Pour quelques dirhams de plus 

Autant briser le suspens, au fond de la mine, il n’est pas allé. Si l’on peut appeler ça une mine : les hommes y creusent des trous jusqu’à 100 mètres dans le sol, artisanalement. Un danger mortel à chaque descente, pour en ressortir avec quelques kilogrammes de minerai qu’ils revendront pour 30 à 100 DH par jour à de riches commerçants. Fondée dans les années 20 par l’industriel français Louis Gentil, la mine de charbon faisait vivre toute la ville. À sa fermeture en 2000, les habitants se sont retrouvés complètement démunis. Alors ils sont repartis à l’assaut de ses entrailles, par effraction. Qui sont ces hommes qui risquent ainsi leur vie pour survivre ? Des jeunes en rébellion contre l’autorité, des mineurs hackers en quelque sorte, qui désossent l’usine pour récupérer du métal de construction. Une transgression dont Mariouch s’est sûrement senti proche, lui qui baigne dans la culture hip-hop et le street art depuis ses études aux Beaux-Arts de Casa, où il a découvert JR, Banksy ou Blek le Rat. Il y a aussi d’anciens ouvriers qui ont décidé de poursuivre par eux-mêmes l’exploitation du minerai. « Ce qui m’a le plus touché, hormis leurs très dures conditions de vie, c’est l’amour de ces gens pour la mine, raconte Mariouch, pour cette région dont ils ne sont même pas originaires. Ce sont leurs grands-parents qui sont venus s’y installer de tout le pays ».

 

Mémoire inconsciente

Pendant ces deux jours de terrain, son oeil affûté par son travail dans la presse web et son passé d’iconographe a su rapidement envisager tous les angles d’un sujet jusque-là délaissé : les laissés-pourcompte de la douloureuse transition du Maroc vers un système mondialisé. On ne peut s’empêcher de penser à Salgado et sa série La Main de l’Homme (1986-1992) sur l’évolution du travail manuel, en particulier ses images de la mine d’or de Serra Pelada au Brésil. Mais Salgado théâtralise, quand Mariouch témoigne avec émotion et fidélité. Il ne connaissait d’ailleurs pas ce travail du photographe brésilien avant de partir pour Jerada, seulement ses paysages. Il se réclame davantage d’August Sander, un fils de charpentier qui a appris la photographie en assistant l’employé d’une mine où il travaillait ! Mehdy Mariouch dit l’avoir gardé « en mémoire inconsciente ». Il a en effet la même sobriété empathique que ce photographe des années 20, maître du portrait social qui avait parcouru son Allemagne natale pour en relever les catégories de travailleurs. Déjà publiée sur le web par Afriqueinvisu.com, Jerada signe les débuts prometteurs de Mehdy Mariouch, jeune représentant d’un photoreportage marocain en train de renaître.

Mehdy Mariouch, Jerada, 2014.
Mehdy Mariouch, Jerada, 2014.
Mehdy Mariouch, Jerada, 2014.
Mehdy Mariouch, Jerada, 2014.
Arborescence, 2002, craie à l’huile sur toile brute, 175 x 140 cm
Arborescence, 2002, craie à l’huile sur toile brute, 175 x 140 cm
Eros et Thanatos, 2009, craie à l’huile sur toile brute, 160 x 170 cm
Eros et Thanatos, 2009, craie à l’huile sur toile brute, 160 x 170 cm
Coupole, 1995, craie sur papier, 75 x 57 cm
Coupole, 1995, craie sur papier, 75 x 57 cm
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