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MMVI, DEUX SEMAINES APRES

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Le MMVI a ouvert ses portes il y a très exactement deux semaines et c’est déjà un énorme succès populaire. Nous avons rencontré son directeur Abdelaziz Drissi pour évoquer un bilan de ces deux premières semaines.

 

« Nous sommes là pour créer un besoin de consommation de l’art, pour que cela devienne une nécessité quotidienne et permanente. Pour l’instant, le Musée est gratuit mais dès novembre quand il sera devenu payant, venir au Musée deviendra un choix… » Et si pour l’instant on ne peut réellement juger de l’impact de la gratuité sur l’affluence, les chiffres sont éloquents : plus de 12 000 visiteurs dès la première semaine avec une moyenne de 800 visiteurs-jour dans la semaine et des pics à 2000 visiteurs-jour pendant le week-end. La parité est respectée et les enfants représentent 1/5e des visiteurs. « Il y avait donc une attente, poursuit le directeur, on avait bien rendez-vous avec l’Histoire, le Musée n’est pas juste un plus mais une réelle nécessité. Chez les artistes mais aussi chez le public, également international en visite au Maroc pour montrer qu’il n’y a pas seulement un Maroc ethnographique où le soleil brille mais qu’il y a aussi l’expression forte d’une dynamique et d’une expression artistiques. »

Le Musée peut accueillir simultanément jusqu’à 3 000 personnes en moyenne, et moduler ses horaires, une nocturne étant d’ailleurs prévue dans le cadre de la nuit des galeries le 7 novembre.

 

On peut se demander aussi comment les publics ont reçu l’exposition inaugurale. Drissi reconnaît que le Musée et ses équipes connaissent un état de grâce : le public est bienveillant et s’il pose souvent des questions, surtout sur l’accrochage contemporain, il reste assez sage et appliqué : « Les gens veulent jouer le jeu, une relation de confiance se noue… »

 

Chez les jeunes et les scolaires, il a d’abord fallu expliquer ce qu’était un Musée, car si certains avaient pu voir des expositions au Maroc, c’est la première fois qu’il leur est donné à voir un Musée qui s’y consacre pleinement. Concernant leurs goûts selon Drissi, chez les plus jeunes, ce sont les autodidactes qui remportent les suffrages. Les couleurs vives de Chaïbia ou de Fatma El Hassan les interpellent plus facilement, ainsi que plus généralement l’accrochage historique.

 

En revanche, chez les plus âgés, c’est l’accrochage contemporain qui attire et suscite des questions. L’œuvre des Pixylones remporte tous les suffrages tout comme le golf de Laouli et l’installation de Zbel Manifesto. Beaucoup de questions sont aussi posées sur les pratiques, les thèmes et l’aspect « décoratif » des œuvres. Ainsi certains s’étonnent que Laatiris fasse œuvre avec des verres à thé, « des objets simples qui ne respectent plus leur fonction principale » ou comment le fameux principe de « L’objet désorienté » continue d’interpeller 15 ans plus tard…

 

Sur les photos de Lalla Essaydi, le public se demande aussi pourquoi ces concubines sont paradoxalement armées de balles jusque dans la parure. De Boufathal, tout le monde se demande ce que Madonna vient faire dans cette galère et aussi de Afifi que ce cube ressemble étrangement à la Mecque… Enfin des prises de conscience se font devant des œuvres, ce qui est plutôt bon signe !, notamment devant la bibliothèque en béton de Harraki qui interroge notamment certains sur l’enseignement qu’ils ont pu recevoir et qui semble ici, fossilisé.

 

Pourtant, certaines questions qui fâchent méritent également d’être posées, même si le directeur préfèrerait voir le « verre plutôt à moitié plein qu’à moitié vide. » En effet plusieurs artistes se sont interrogés sur une possible censure de leurs œuvres. Ainsi, le jour de l’inauguration royale, plusieurs œuvres auraient été soustraites au parcours. Notamment l’œuvre de mounir fatmi, ou encore une autre de Younes Baba-Ali… Qu’en est-il vraiment ? Le Musée réfute fermement la censure et explique que différents facteurs justifient ces absences. Concernant l’œuvre de mounir fatmi, de retour sur les cimaises au moment de notre visite, un simple problème technique serait à l’origine du malentendu. On veut bien croire le Musée à ce sujet d’autant, que de l’aveu même du directeur, il y a bien longtemps que l’évocation de l’affaire Ben Barka (sujet de la pièce absente au vernissage royal) est devenue quotidienne et ne choque plus grand monde… Quant aux bonbonnes de gaz de Baba-Ali, le Musée aurait agi pour des raisons de simple sécurité, la vérification du contenu des bouteilles n’ayant pu être faite dans les règles de l’art avant l’ouverture au public, leur monstration a ainsi été retardée de quelques jours pour assurer la sécurité des visiteurs.

Enfin, plus problématique, une pièce d’Amina Benbouchta, le Piège, ne retrouvera sans doute pas les espaces d’exposition : sur un coussin rouge en velours brodé, reposait un piège à loup aiguisé dont la forme arrondie et crénelée évoque une couronne…

 

Mais le directeur qui dit travailler « pour le Maroc et les Marocains », assume tout : « Il y a des choses qu’on n’a pas pu intégrer pour une raison ou une autre, mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Il s’agit d’une institution étatique et je me dois d’accompagner le public en douceur pour pouvoir tresser des liens forts de confiance. »

 

Retirer l’œuvre avant qu’elle ne choque selon le principe de précaution, ou la retirer après qu’elle ait été endommagée par le public choqué (cf Paul McCarthy et son Tree, Place Vendôme) : il semble que la question délicate de la censure se joue sur cette crête étroite.

 

 

Syham Weigant

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