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À qui appartiennent les oeuvres de street art ?

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Le lien qui unit l’oeuvre de street art à son support met en concurrence le droit de propriété et le droit d’auteur. Le point sur le statut juridique qui prévaut au Maroc.
par Michel Durand-Meyrier, Of Counsel, CWA Morocco.

 

Une photo a récemment fait le tour du monde. Il s’agit d’un chaton jouant avec une boule de métal, peint sur le mur d’une maison en ruines de Gaza, oeuvre du street artiste Banksy. D’après l’AFP, le propriétaire de la maison s’est réjoui de ce « marquage historique » et a déclaré : « Même si je reconstruis, je ne vais ni vendre ni effacer ». Plus proches de nous, les pochoirs réalisés à Essaouira et à Mirleft par Christian Guémy, alias C215, nous invitent à nous interroger sur le statut juridique de l’art de rue au Maroc.
De fait, quelle que soit la technique utilisée (pochoir, mosaïque, affiche, sticker, installation…), l’étroite association de l’oeuvre de street art à son support met en jeu deux intérêts souvent antagonistes : le droit de propriété du propriétaire du support et le droit d’auteur de l’artiste. En vertu du droit marocain, du seul fait de la création de leur oeuvre, les artistes de rue bénéficient d’une protection sous la forme d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit existe dès lors que l’oeuvre est originale, c’est à dire qu’elle est empreinte de la personnalité de son auteur, et quels que soient son mode ou sa forme d’expression, sa qualité et son but.

 

Des œuvres moins protégées.

 

En conséquence, ces artistes sont titulaires de droits patrimoniaux, tel que le droit de reproduction, et de droits moraux, comme le droit de paternité sur leurs oeuvres. Précisons toutefois que les oeuvres de street art bénéficient d’une protection moindre que les oeuvres « classiques », puisque la loi contient une exception connue sous le nom de « liberté de panorama » qui permet, sans autorisation ni rémunération, la reproduction, la réédition et la communication d’une image d’une oeuvre située en permanence dans un endroit ouvert au public, sauf si elle est le sujet principal de cette reproduction et qu’elle est utilisée à des fins commerciales.
La protection accordée au street art dépend avant tout du caractère licite de l’oeuvre. Dans le cas où l’artiste a pu recueillir le consentement du propriétaire du support, il jouit pleinement de la protection du droit d’auteur et le propriétaire du support ne peut exploiter l’oeuvre que si l’artiste a donné son accord. Il faut préciser que, même lorsque le propriétaire a donné son accord, les oeuvres de street art doivent également se conformer aux règlements d’urbanisme. Aujourd’hui, les oeuvres de street art sont généralement réalisées dans la légalité. Ainsi, l’artiste française Miss Tic, depuis sa condamnation en 1999 pour dégradation de biens, demande systématiquement l’autorisation du propriétaire du support avant de réaliser ses oeuvres. Au Maroc, le sympathique  et talentueux collectif Placebo (Amine Benbaba et Fouad Bensalem, alias Senzo et Abid) intervient toujours dans un cadre légal. Senzo et Abid se sont illustrés avec une fresque spectaculaire de 50 mètres sur le boulevard Massira El Khadra de Casablanca qui a été très remarquée et ils viennent de réaliser une nouvelle fresque avec d’autres artistes en face de la commune urbaine du Maarif. À Marrakech, le galeriste David Bloch a fait appel à de nombreux artistes pour réaliser des murs : Remed, Lek, Sowat, Liard, L’Atlas, Rémi Rough, Carlos Mare… Toujours dans la ville ocre, la fondation Jardin Rouge Montresso invite même en résidence des artistes issus du street art dans un cadre campagnard…

En l’absence d’autorisation du propriétaire du support, l’artiste ne pourra se prévaloir de son droit d’auteur.


À l’inverse, l’absence de consentement ou le refus du propriétaire place l’artiste dans une situation très précaire. En vertu du principe de droit selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », il ne pourra faire valoir son droit d’auteur. En outre, il peut être condamné en vertu du Code pénal, au titre d’une contravention de seconde classe, à payer une amende (d’ailleurs dérisoire : 10 à 120 dirhams) et surtout des dommages-intérêts sur le fondement de sa responsabilité délictuelle au titre de la dégradation d’un bien.
 

 

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