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UNE HISTOIRE INTENSE ET MECONNUE

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Venus s’installer en Amérique du Sud dès la fin du XIXe siècle, de nombreux immigrés arabes ont tissé une histoire particulière et intime avec les pays d’accueil.

 

Intitulée Amrik (présence arabe en Amérique du Sud) et constituée du travail de 23 photographes sud-américains, l’exposition est produite en 2005 par le Brésil à l’occasion du Sommet Amérique du Sud-Pays arabes, et fait le tour des pays concernés avant que le fonds ne soit offert par le gouvernement brésilien  à l’Institut des Etudes Hispano-Lusophones de l’Université Mohammed V de l’Agdal à Rabat.

 

Et c’est une histoire intense et méconnue qui se déroule devant nous au cours  de cette exposition. Car les « Arabes » sont arrivés ici dès 1800, puis en 1900 et encore plus tard. Dans la première salle d’exposition, les photos de Jibrail Jabbur ou d’archives témoignent des premières années. Les clichés montrent des couples empesés en habit du dimanche, entre joie et appréhension face à ce « nouveau monde », les malles qu’on ficelle et les petits embarcadères sur lesquels on se hisse pour parcourir les quelques mètres qui séparent le paquebot du rivage. Puis sur le port bondé de Buenos Aires ou d’ailleurs, il faut encore se frayer un passage vers cette nouvelle vie espérée.

 

D’autres scènes de vie, cueillies plus tard, où l’on pose fier en complet trois pièces noir pendant les manifestations patriotiques ou au contraire, détendus, devant le club de sport syrien. Les photos de famille ultra-posées, où la robe de la mère rappelle celle de la petite dernière car cousues dans les chutes du même tissu. Le père, lui, se tient le plus droit possible, grave, dans sa moustache. On trouvera d’autres photos, dites « de genre ». Sur l’une d’entre elles un colporteur de tissu arbore une tenue bigarrée : un pantalon pied-de-poule qui jure avec la chemise à rayures et la veste à carreaux mais rappelle les motifs des tissus qu’il transporte.

 

Après la nostalgie des archives, ce sont les traces contemporaines de ces migrations qui sont montrées. Dans une alcôve, sont présentés des diptyques, constitués de portraits noir et blanc des descendants des migrants associés chacun à une recette fétiche, ancestrale, gardée de génération en génération. Sur des feuilles d’écolier arrachées à un cahier ou à un dessein plus grave, des écritures nerveuses  se délient et tentent de fixer de façon éternelle la recette du taboulé ou du café turc. Ulrike Weiss, artiste allemande qui enseigne et travaille au Maroc nous renseigne : « C’est intéressant ces syncrétismes avec la culture locale. Il y a des choses de l’ordre de l’intime, comme ces recettes que l’on garde, tandis que  le reste s’adapte. C’est un glissement progressif qui aboutit à un changement transculturel. »

 

Et en effet dès l’entrée dans la 3e alcôve où sont montrées les photos plus contemporaines de Jorge Maria Munera, ce drôle de mélange apparaît. On y voit des photos étonnantes où Monsieur en sombrero orientalisé pose avec madame en niqab. Des danseuses du ventre langoureuses anachroniques dans des cafés égyptiens, certes, mais en plein cœur de Buenos Aires : un univers, nous dit Ulrike Weiss où  « les accessoires semblent d’origine mais dans un univers factice où ils sont mis en scène ».

 

Ainsi, c’est une histoire méconnue des migrations qui se déroule ici, cette autre histoire avec le nouveau monde, à l’heure où l’on découvre dans sa cruelle vérité celle qui nous lie à l’Europe.

 

Syham Weigant

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