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BEIRUT ART FAIR EXPLOSE !

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Du 19 au 22 septembre dernier, la 4e édition de Beirut Art Fair accueillait plus de 40 galeries, qui peuvent compter sur des collectionneurs actifs issus de la diaspora libanaise.

Reportage à Beyrouth, par Elvira Sakouti

 

Beyrouth est une ville qui fascine par son effervescence permanente, sa fureur de vivre, son anarchie architecturale et son aptitude à oublier l’imminence du danger. Marquée par les stigmates de 15 années de guerre, réédifiée sept fois au cours de son histoire vieille de 10 000 ans, Beyrouth est depuis longtemps une capitale culturelle du monde arabe. Elle est en train de devenir une plaque tournante de l’art contemporain, entre l’Orient et l’Occident.

Au cœur de cette dynamique, Beirut Art Fair inaugurait le 19 septembre dernier sa 4e édition, placée sous le Haut Patronage du Président de la République Libanaise, le Général Michel Sleiman. Le « Tout-Beyrouth » – amateurs d’art, collectionneurs, artistes, créateurs de mode et people du showbiz – déambulait avec force éclats de rire et embrassades « à la libanaise » dans les allées de la foire.

46 galeries issues de 14 pays ont accueilli le soir du vernissage quelque 7 000 happy few, venus célébrer la vitalité de Beirut Art Fair et de la scène artistique MENASA (Middle East, North Africa, South & South East Asia). Cette région aux cultures contrastées, qui s’étend du Maroc à l’Indonésie, compte désormais des valeurs artistiques établies et des étoiles montantes du marché de l’art.

« Les bombes, quelles bombes ? », commentait Terry Lee, fondateur de la galerie Art Seasons, installée à Singapour. « La seule bombe que je vois est ici, au centre de la foire ! », désignant ainsi l’œuvre du collectif PHUNK. Dès l’ouverture des portes, elle était acquise pour la somme de 5 000 dollars par un jeune collectionneur libanais. Car cette année, la présentation d’un pavillon du Sud-Est Asiatique a séduit la majorité des visiteurs. Coordonné par le galeriste Richard Koh, il réunissait 21 artistes présentés par 9 galeries d’Indonésie, des Philippines, de Thaïlande, de Singapour et de Malaisie.

La scène libanaise moderne et contemporaine était quant à elle largement représentée avec Paul Guiragossian (Emmagoss), Elie Kanaan (L’Atelier 85), Huguette Caland (Galerie Janine Rubeiz) ou encore Hussein Madi (Aïda Cherfan Fine Art). Une bonne place était aussi donnée aux valeurs montantes : Tagreed Darghouth, SaidBaalbaki et Ayman Baalbaki (Agial Art Gallery), dont les derniers résultats en ventes aux enchères ont atteint des records.

 

De la photographie

Côté photo, les artistes libanais étaient très présents tels que Caroline Tabet (Art Factum Gallery) ou le franco-libanais Sabyl Ghoussoub (Galerie Sophie Lanoë). Mais également grâce à l’exposition inédite « Generation War » présentant 6 photographes de guerre devenus aujourd’hui des photographes plasticiens, comme Roger Moukarzel dont les photos ont fait le tour du monde. Empreinte d’émotion sans pour autant prêter le flanc à une nostalgie larmoyante, cette exposition organisée par l’artiste Katia Traboulsi et parrainée par Marine Jacquemin, a interpelé de nombreux visiteurs qui auraient pu clamer à l’unisson : « Imagine war is over ! ».

 

Les artistes syriens au rendez-vous

Malgré le contexte géopolitique, les artistes syriens ont fait partie des grands succès de la foire, comme Youssef Youssef et ses toiles présentées par la galerie Tallajyat, venue de Damas. Plusieurs œuvres du peintre se sont vendues à 8 000 dollars, dès le soir du vernissage, comme pour cette autre galerie de Damas, Samer Kozah, qui présentait  cette année des sculpteurs syriens confirmés, tels qu’Issa Kazah, dont un bronze  fut vendu tout de suite à 10 000 dollars. Même succès pour la galerie libano-parisienne Mark Hachem, qui exposait les photographies intimistes du Syrien Soufan, ainsi que pour la toute jeune galerie de Beyrouth Art on 56th, avec les peintures de Nazir Ismail.

Parmi les artistes internationaux qui ont retenu l’attention, citons le photographe marocain Diego El Glaoui, présenté par Laura Arce venue d’Argentine. Les visiteurs ont aimé également la photographe japonaise KimikoYoshida et ses autoportraits présentés par la galerie libanaise Tanit. Deux artistes français de grande notoriété, Fabien Verschaere et Philippe Pasqua, devaient participer à cette foire mais ont annulé à la dernière minute, en raison du contexte libano-syrien… Dommage !

 

Des collectionneurs venus de Jeddah, Londres et New York

Beirut Art Fair étant avant tout destinée à donner la parole aux artistes émergents, elle réunissait des œuvres dont l’éventail de prix s’étendait de 700 à 70 000 dollars. On notait une présence renforcée de jeunes collectionneurs âgés de 30 à 45 ans issus de la diaspora, comme Hami Samha, Alfred Asseily, Omar Sawaf, Carol Ghandour ou Sami Khoury, venus de Jeddah, Londres ou New York pour soutenir la foire et le renouveau culturel de leur pays. En revanche, les collectionneurs d’une autre génération plus attachés aux œuvres « classiques », sont venus dans les jours suivants suite au buzz du vernissage.

Parmi les personnalités engagées dans le développement de l’art contemporain, on notait la présence de Rita Nammour, présidente de l’APEAL (Association for the Promotion and Exhibition of the Arts in Lebanon), qui a financé le pavillon libanais à la Biennale de Venise. Comme le fait remarquer Laure d’Hauteville, fondatrice et directrice de la foire depuis 2010 : « Beirut Art Fair est la preuve que les collectionneurs sont très actifs au Liban. Cette manifestation n’existerait pas sans eux, ni sans le concours des entreprises mécènes qui nous donnent leur confiance et leur soutien. […] Aujourd’hui la communauté libanaise compte 14 millions de personnes qui vivent à l’étranger et défendent leur pays, de là où ils se trouvent. […] C’est ainsi que de nombreux artistes libanais se retrouvent dans les plus grands musées et les plus importantes manifestations internationales. » Laure d’Hauteville vient de créer une nouvelle foire : Singapore Art Fair, qui verra le jour en novembre 2014. Pour cette première édition, la foire mettra un pays à l’honneur dans un pavillon thématique. Et devinez lequel…? Le Liban bien sûr !

www.menasart-fair.com

 

En parallèle, La photographe Leila Alaoui fait revivre les années Warhol


Station, en face du site de Beirut Art Fair, est une usine désaffectée reconvertie en espace d'art. L’artiste marocaine Leila Alaoui et Nabil Canaan, propriétaire des lieux ont eu l’idée d’y faire revivre pendant la foire une artiste mythique de la scène new-yorkaise des années 80 : Maripol. Autour de cette figure éclectique, styliste, photographe et réalisatrice, l’exposition « Maripolarama » réunit une sélection de clichés ultra-branchés que prenait cette clubbeuse avec son polaroid SX70. S’y côtoient de jeunes artistes, close up et backstages : tout un univers de figures encore candides qui allaient devenir les stars de demain, captés par l’instinct dévastateur de Maripol. L’expo montrait aussi une installation video et deux films : un documentaire sur Keith Haring et un film avec Basquiat, produit par Maripol dans les années 80.

http://www.stationbeirut.com/pdf/STATION-Press-Release-MARIPOLARAMA.pdf

Carolle Benitah, Photos-Souvenirs, Enfance, À la plage (at the beach), 2009 Courtesy de l’artiste et Galerie 127
Carolle Benitah, Photos-Souvenirs, Enfance, À la plage (at the beach), 2009 Courtesy de l’artiste et Galerie 127
Kudzanai Chiurai, Iyeza, 2012, courtesy de l'artiste
Kudzanai Chiurai, Iyeza, 2012, courtesy de l'artiste
Roger Moukarzel, reportage de guerre au Liban, exposition « Generation War » (commissaire Katia Traboulsi). © Roger Moukarzel
Roger Moukarzel, reportage de guerre au Liban, exposition « Generation War » (commissaire Katia Traboulsi). © Roger Moukarzel
prix 55 000 DH Safaa Mazirh, Sans titre #10, 2013, tirage numérique, édition 5/5 © Courtesy Galerie 127
prix 55 000 DH Safaa Mazirh, Sans titre #10, 2013, tirage numérique, édition 5/5 © Courtesy Galerie 127
Said Afifi, Donatella & plastic surgery IX, 2016, graphite sur papier, 50 x 70 cm Courtesy de l’artiste et GVCC
Said Afifi, Donatella & plastic surgery IX, 2016, graphite sur papier, 50 x 70 cm Courtesy de l’artiste et GVCC
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seisme maroc

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