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BIENNALE MARRAKECH JOUR 1 SUIVEZ LE GUIDE DU PALAIS BADII A DAR SI SAÏD ET BANK AL-MAGHRIB

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Cette 5e édition de la Biennale de Marrakech étonne, et ce à plusieurs titres. DIPTYK, témoin privilégié de son ouverture en avant-première vous raconte pourquoi.

 

De grands changements avaient été annoncés et ils ont eu lieu : changement d’équipes, d’attitude, d’esthétique, de géographie.
Mais cela suffira-t-il pour attirer les publics, problématique centrale de cette 5e édition ?

 

Changement d’équipe

Sur le changement d’équipe et d’attitude, le virage est radical et plutôt exemplaire. L’ambiance est détendue et friendly, les curateurs art plastique, littérature, vidéo et arts vivants sont tous pointus et bien de chez nous et ça fait du bien, pour paraphraser Simon Njami que des Marocains décident enfin de la qualité des choses qui leur appartiennent…
Exit les « baby curators » et place à des pointures « made in Morocco »: Khalidi pour les arts visuels, le brillant Driss Ksikès pour la littérature et l’iconique Jamal Abdennasser ont été appelés par Alya Sebti, directrice artistique de l’événement.

D’ailleurs pour répondre à la question posée par la Biennale « Where are we now ? » : la réponse est « In Morocco » ! Ces éléments de réponse endogènes sont légitimes.

 

Changement d’esthétique

Le temps des installations spectaculaires qui occupaient chacune des pièces entières semble révolu. Au Palais Badii, où se trouvaient les réalisations les plus « spectaculaires», l’espace demeure aéré (un peu trop ?) et les œuvres ne semblent être que de modestes éléments sagement installées dans les endroits les plus visibles. Humilité voulue ou obligation de respecter les lieux historiques et protégés ? Pour justifier cette mise en espace, Hicham Khalidi rappelle que des règles très strictes ont encadré leur utilisation du Palais… Vous y verrez le globe/moulin d’Arejdal en pierre de Salé hier installé Place Pietri à Rabat qui a voyagé d’une cité impériale à l’autre. Une arbalète géante de Max Boufathal « pour tuer Madonna », ironise l’artiste…ou encore la pièce de monnaie géante en goudron d’Akrim qui joue sur l'expression « frapper la monnaie ». Vous y entendrez aussi, dans les geôles de l’ancienne prison, la très bonne installation sonore du Turc Cevdet Erek tandis que tous vos sens seront mobilisés pour la pièce de l’Indien Asim Wakif. Son installation faite de débris de châssis de portes et fenêtres en bois, glanés au Palais Badii construit un parcours architecturé  qui rappelle un peu les plus grands modules de Tinguely mais en mode récup’. Contrairement à l’interdiction « ne pas toucher » courante dans les musées, ici, le public est invité à investir l’œuvre de tout son corps. Il faut se mettre en danger, oser, toucher et arpenter, par interactions, des bruitages et effets sonores ponctuent les affleurements…

 

Changement de géographie

Le changement de géographie permet lui, d’apprécier de nouveaux espaces en investissant 3 lieux denses et chargés d’histoire notamment Dar Si Saïd, vénérable palais du XIXe siècle transformé en Musée en 1932. Ses trésors, mobilier, bijoux ou céramiques restent en place et les œuvres in situ créées par les artistes doivent trouver leur place et s’enrichir du dialogue engagés avec les lieux et sa scénographie. A ce titre, le travail de Walid Raad pose des questions intéressantes sur les notions de muséographie. Fausses vitrines en miroir, jeu de collage de cimaise et coupes transversales de modules des différents musées (Louvre Guggenheim…) invitent à se poser la question de la pertinence du modèle muséal européen.

Toujours à Dar Si Said, la performance de Gabriel Lester déroute par son aspect burlesque… Elle court le risque d’être appréhendée au premier degré – peut-être était-ce le seul d’ailleurs ? – et d’apparaître alors comme une farce au goût douteux…

 

Quelques surprises à Bank Al-Maghrib

C’est un changement d’ontologie qui semble mis en œuvre et c’est dans le 3e espace à Bank Al-Maghrib que cette rupture finit d’être révélée. Impossible de faire le tour complet des œuvres, pour certaines encore en cours de finalisation, cela permet de prendre tout son temps pour découvrir le fameux moteur de l’artiste belge Eric Van Hove (lire notre article dans DIPTYK#22, actuellement en kiosque) ainsi que les clichés poignants du photographe flamand d’origine marocaine Charif Benhalima. La douceur du personnage contraste avec la violence indicible qui habite ses sublimes tirages en noir et blanc qui rendent l’infinie complexité des matières. Immergé pendant plusieurs mois dans un refuge pour sans-papiers en Belgique, il finit par les immortaliser dans leur sommeil, en plein jour. Désœuvrés, inutiles comme leurs jours qui se confondent dans une nuit d’attente sans fin …

 

Notre avis sur cette première journée

Ce que l’on perçoit dans l’ensemble des éléments rassemblés par la Biennale (œuvres, espaces et équipes) c’est que l’on assiste à une rupture totale avec les pratiques précédentes. L’approche « glocale » prônée tout au long de la préparation de cette édition finit par aboutir à un syncrétisme intéressant mais déroutant de pratiques et de visions totalement contrastées mais qu’un « je ne sais quoi » à l’ère de la globalisation, notamment de la communication, finit par rapprocher.

 

La question centrale de l’intitulé est maintenant renvoyée aux publics… Quelle adhésion apportera-t-il à ce projet hic et nunc ?   

 

Syham Weigant

Reportage photographique de Fabrice Coiffard pour DIPTYK

 

www.marrakechbiennale.org/

Max Boufathal, Palais Badii. Photo Fabrice Coiffard
Max Boufathal, Palais Badii. Photo Fabrice Coiffard
Asim Waqif, Palais Badii. Photo Fabrice Coiffard
Asim Waqif, Palais Badii. Photo Fabrice Coiffard
Abdeljalil Saouli, « Anneau »
Abdeljalil Saouli, « Anneau »
Mahi Binebine, « Touche pas à mon globe »
Mahi Binebine, « Touche pas à mon globe »
Chéri Samba, L’employeur et l’employé, 2013, acrylique sur toile, 135 x 200 cm
Chéri Samba, L’employeur et l’employé, 2013, acrylique sur toile, 135 x 200 cm
© Alia Ali, courtesy Galerie Siniya28
© Alia Ali, courtesy Galerie Siniya28
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seisme maroc

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