En ce deuxième jour de l’ouverture officielle, le pape de l’arte povera a inauguré ce matin le cycle de conférences de la Biennale de Marrakech au Riad El Fenn. Un paradis accessible à tous ?
Marie Moignard
C’est dans une salle bondée du riad de Vanessa Branson que Pistoletto a dispensé la bonne parole à l’occasion de sa première venue au Maroc. Au programme ? La présentation d’une nouvelle version de Third Paradise, la pièce leitmotiv de son travail ces dix dernières années. Une ellipse à trois boucles symbolisant les « trois paradis » de l’artiste italien : le paradis « naturel », le paradis « artificiel » et celui qui enfin, se crée de la connexion entre les deux. Il n’a pas manqué de rappeler l’ancrage oriental de ce projet. « Jardin » vient en effet du perse ancien pairi-daeza, qui signifie « espace fermé ». Dédié à la méditation ou l’agrément, le jardin symbolise autant un « paradis sur terre », qu’un univers en soi. « Ce jardin c’est aussi le monde, et nous devons devenir jardinier, précise l’artiste. Car le comble serait que ce jardin soit détruit de l’intérieur. »
Cette sorte de trinité, forme parfaite et « augmentée » de l’infini, peut être formée par tout et n’importe quoi. Depuis 2004, Pistoletto l’a déclinée en chaîne humaine, en projection lumineuse, en light painting, en papier alu, en décor culinaire ou plus insolite encore en chaussures de sport transformées en pots de fleur… Des œuvres souvent participatives où l’ego de l’artiste s’efface pour laisser au public l’occasion de s’emparer de l’œuvre, et de l’acte artistique.
Tous responsables
« Il faut que l’art s’allie à l’éthique, la forme et la morale doivent faire corps ensemble. » Responsabilité. Tel est le mot d’ordre répété à l’envi par Pistoletto : « l’art créé la liberté de l’artiste. Mais cette liberté n’est pas infinie. Elle est au contraire définie, et c’est à lui ensuite d’assumer cette responsabilité. » Une responsabilité collective aussi, face aux dangers multiples qui menacent notre environnement. Pistoletto tente à travers ses œuvres d’attirer l’attention du groupe sur des sujets spécifiques qui les concernent directement. En faisant participer tout à chacun, c’est à une prise de conscience qu’il appelle.
Comment ira-t-il à la rencontre du public marrakchi ? Pour la Biennale, Pistoletto réactive Third Paradise au Théâtre Royal, dans ses jardins bien sûr et à l’aide de… tapis ! « C’est une pièce fortement marquée par le lien social, car on peut s’y asseoir, marcher dessus, etc., explique son galeriste Lorenzo Fiaschi, co-fondateur de la Galleria Continua. Michelangelo n’a pas voulu pour autant choisir un signe simple. Chacun pourra l’interpréter à sa façon, mais cela rejoint définitivement des valeurs universelles de relationnel, de partage… ».
Alya Sebti, directrice artistique de la Biennale, se félicite pour sa part de la présence du célèbre artiste international : « Tout cela n’aurait pas été possible sans le support moral et financier de la Galleria Continua, qui a contribué à produire cette pièce et faire venir l’artiste à Marrakech. L’approche de Pistoletto sur l’art comme outil de transmission, tout comme ses actions éducatives au sein de sa fondation la Cittadellarte en Italie, sont un réel modèle pour la Biennale ».
Ce prêche, dispensé au Riad El Fenn à un parterre composé principalement d’invités de la Biennale, artistes, professionnels, journalistes, etc. délivre un message aux accents « peace and love » qui aurait eu sa place peut-être plus au cœur de la ville, pourquoi pas plus proche de LA place de Marrakech (Jemaa El Fna), à destination d’un public marocain certainement heureux de recevoir les bonnes ondes du patriarche italien.
Michelangelo Pistoletto, « Third Paradise »
Marrakech Biennale, Théâtre Royal
Contemporary art from Africa and the Arab world Since 2009, published in Casablanca
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