Résidence d’artistes, maison d’hôte vouée au développement durable, Dar Al Mamun, encore en chantier, accueille pourtant déjà des artistes du monde entier.
En n’attend pas que toutes les chambres soient aménagées, que les plâtres soient essuyés, les oliviers plantés, que les piscines miroitent… Sous l’œil attentif et talentueux de Redha Moali et Houria Afoufou, fondateurs de l’hôtel Fellah et Dar Al Mamun, et de Julien Amicel et Carleen Hamon, directeurs de la résidence, des artistes s’affairent déjà dans la poussière de la vallée de l’Ourika.
JORGE NUÑEZ PREPARE SES ŒUFS POUR ARCO
Début janvier, on pouvait ainsi voir le Vénézuélien Jorge Nuñez travailler à une série autour de l’œuf, Alimentation générale, destinée au stand de la galerie parisienne Crève Cœur pour la foire de Madrid ARCO.
Le même jour, à l’Ecole Supérieure des arts visuels (ESAV), on assistait à la présentation du travail de Fayçal Baghriche. Dans une salle de projection, l’artiste franco-algérien se donne le temps d’expliquer une démarche entre performance, installation, vidéo ou photographie, dont Didier Ottinger, conservateur du Centre Pompidou, dit qu’elle « ressemble à ces frêles battements d’ailes de papillon, capables de déclencher des cataclysmes climatiques majeurs. Avec une apparence de désinvolture, armé des moyens les plus précaires, il s’attaque aux plus graves questions politiques et morales. »
Ses vidéos, qui font hésiter le spectateur entre le fou rire et le désespoir, mettent en scène l’artiste en tagueur de banlieue ou en chômeur récitant son laïus dans une rame de métro. Une autre vidéo montre un globe terrestre qui tournerait si vite qu’on ne pourrait en distinguer les continents. Une photo montre des drapeaux enroulés sur eux-mêmes qui ne laisseraient paraître que la couleur rouge qui les compose. Dans une autre vidéo, le cours du temps est inversé…
L’ART PAR SOUSTRACTION
C’est cela l’univers de Baghriche. Sa démarche artistique révèle la poésie et l’étrangeté des pratiques quotidiennes. Avec beaucoup d’humour, mais sans intention de faire rire, l’artiste joue du décalage. Il analyse la construction des symboles collectifs et de tous les systèmes qui régulent l’espace public. Ses vidéos, photos ou compositions partent de gestes simples et d’objets usuels. Baghriche propose de collecter, de consigner des récits, traces, assemblages d’objets qui déjouent nos réflexes d’identification.
Finalement, l’artiste révèle pour mieux les annihiler les systèmes d’identification, les modèles comportementaux ou les structures langagières qui nous déterminent et deviennent ici prétexte à la construction poétique d’une autre réalité.