MÉCÉNAT – LA POLITIQUE DU CHEVAL DE TROIE

Les expositions thématiques annuelles de la Société Générale permettent de montrer de l’art contemporain au grand public. Pour le commissaire, responsable du mécénat de l’institution, c’est aussi l’occasion de mettre en œuvre une véritable politique d’accompagnement des artistes, l’une des meilleures façons de faire du mécénat.

De nombreux artistes conceptuels, depuis les années 1960, Yves Klein, les Minimalistes, ou les adeptes du Land Art, ont conçu des œuvres ou des performances qui n’existent pas en tant que telles mais qui sont décrites sur le papier – titre, matériaux, fabrication, protocole d’accrochage – afin de pouvoir les recréer ailleurs, pour une exposition, avec ou sans l’artiste.

C’est aussi ce que fait Mohamed Rachdi, depuis deux ans qu’il officie àSociété Générale comme responsable du mécénat et commissaire d’exposition. Ainsi, à l’occasion de l’exposition 2009, Corps et figure du corps, avait-il acquis pour la Société Générale, deux installations, L’Anamorphose 2 de Corrine Troisi et Leçon de dessin d’Abdelaziz Zerrou. « Ces deux installations appartiennent désormais à la Collection SG sans avoir fait l’objet d’une acquisition. Ce sont des dons que les artistes font à l’institution, à ma demande. Ces deux œuvres étaient destinées à être détruites à la fin de l’exposition. Nous avons signé une convention qui prévoit leur reproduction et adaptation, ici ou ailleurs, par les artistes ou par des techniciens. »

Ce qui est en jeu ici c’est la conception même de l’œuvre contemporaine, qui peut parfois prendre l’allure d’une œuvre virtuelle. « La banque n’a aucun mal à concevoir des opérations financières virtuelles. Et pourtant, on demande à l’art de se matérialiser par des objets physiques. Dans ma pratique du commissariat d’exposition, et dans le conseil que je pratique au sein de la Banque, j’aide à faire, entre autres, reconnaître la dimension conceptuelle d’un projet artistique. » Faire du mécénat, c’est aussi aider les artistes à donner une pleine dimension à leurs projets. Ainsi, Mohamed Rachdi, en négociant auprès de la banque un budget de plus de 100 000 DH dédié spécifiquement à ce type d’œuvres, intervient également au niveau dans la production. Pour l’exposition en cours, «Nature & Paysage», certains artistes ont bénéficié de l’aide de l’institution pour produire leurs œuvres.

C’EST BIEN QUE, PARFOIS, DES JEUNES DEBARQUENT

Ainsi, « nous avons produit les œuvres de Baba Ali, Echaïr, Hajjoubi, Afifi, Agueznai, Maria Karim, Corrine Troisi… Comme pédagogue, je me suis personnellement impliqué pour que ces artistes, à partir de leur projet, donnent le meilleur d’eux-mêmes. »

Mécénat, soutien aux artistes, c’est entendu. La Banque a acquisMehadji, Habbouli, Elbaz, Darsi…Pour Younès Rahmoun, c’est en cours… Mais l’heure n’est pas encore à l’acquisition de vidéos. « Ce n’est pas grave, explique Rachdi. Le plus important c’est de les montrer. Et en bon cheval de Troie, j’ouvre des brèches au sein de mon institution qui a fini par être complice pour accueillir de nouvelles pratiques artistiques et multimédias : installations, vidéos, œuvres interactives virtuelles… En ce moment, on peut voir, entre autres, dans une salle ouverte spécialement pour la vidéo des projections comme celle de Mehdi-Georges Lahlou, cette vidéo d’une femme vêtue d’une robe blanche qui avance de dos, sur la plage jusqu’à disparaître dans l’eau et qui n’est rien d’autre que la silhouette de l’artiste lui-même. »

Pour terminer, dans cette pièce où trônent trois sublimes photos de Lamia Naji qui ont rejoint la collection de la banque, Rachdi s’amuse : « Oui, Bellamine, Melehi, Hamidi, Rabii sont là avec des œuvres majeures de la collection. C’est bien que parfois, des jeunes débarquent et donnent une claque à nos certitudes ».