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De l’exil, j’ai fabriqué des lunettes pour voir

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Parrain de la septième édition de la foire YIA à paris, Mounir Fatmi présente «Pavillon de l’Exil – 1ère escale», une exposition-collection où il évoque un état qui lui est cher, celui d’avoir quitté volontairement sa patrie.
 

Ce n’est pas la première fois que Mounir Fatmi évoque le thème de l’exil. Qu’on se souvienne de « L’Art de la Guerre » (ADN Platform, Barcelone, 2015) et de « Permanent Exiles » (MAMCO, Genève, 2015). Aujourd’hui, l’artiste tangérois poursuit sa réflexion en la nourrissant des œuvres des autres. Prendre la posture du commissaire d’exposition est encore une manière d’interroger son propre vécu. À l’image de ces deux interphones exposés au MAMCO où figurent les noms des grands penseurs et artistes ayant connu l’exil.
 

En prenant le parti d’associer la notion de pavillon – qui renvoie à l’architecture et bien sûr aux pavillons nationaux des Expositions universelles – à celle de l’itinérance, l’exposition pose la question de l’exil comme un nouvel espace à réinventer, à repenser et finalement investir. Pour cette première escale aux Archives nationales, Mounir Fatmi s’est entouré d’une dizaine d’artistes émergents et confirmés. Au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Soubise où l’exposition est déployée, la pluralité des supports et des œuvres permet de franchir toutes les frontières et de revisiter les expériences de l’exil, y compris celles du passé. Ainsi, en faisant dialoguer les documents d’archives et – notamment – les dessins de Dan Perjovschi, Mounir Fatmi s’inscrit dans une perspective historique des flux de déplacement.
 

Chance ou fantasme ?

Ce qu’on retiendra également de cette exposition, c’est la grande cohérence des œuvres choisies, qui dialoguent entre elles et reflètent les différentes situations d’exil. La vidéo Lampedusa d’Ali Assaf met en exergue le statut du réfugié ou de l’exilé de guerre, tandis que Carlos Aires, dans un écho poétique, met en scène deux danseurs vêtus en policiers esquissant un tango dans la vidéo inédite Sweet Dreams. On notera aussi Des migrants dans le monde sont des Marocains, de Guy Limone : le long d’un fil tendu à la verticale, de petites figurines prennent place. 25 statuettes peintes dans le détail sont noyées au milieu de 1475 autres recouvertes de couleurs vives. Cette œuvre délicate nous parle du Maroc autant comme un pays d’émigration que d’immigration. Si la multitude des couleurs évoque sa diversité culturelle, elle est aussi là pour rappeler à quel point le Maroc est un pont entre l’Orient et l’Occident, un carrefour où les artistes se rencontrent. Enfin, symbolique et magnifique, un document d’archive appartenant à Mounir Fatmi montre Max Ernst dormant devant une ses œuvres. Envoûtants, ces deux clichés encore jamais publiés nous rappellent l’œuvre de l’Histoire dans nos vies. Toutes ces œuvres racontent le départ, le voyage, mais pas seulement. Au sein du « Pavillon de l’Exil », le visiteur est confronté à cette question : si l’exil est une chance, le retour est-il un fantasme ?


Stella Berger

 

Le titre de l’article est une citation de Mounir Fatmi, issue de son Manifeste Coma, entamé en 1998.

 

YIA, « Pavillon de l’Exil – 1ère escale », Archives nationales, Paris, du 14 octobre au 7 novembre 2016. Artistes: Nelly Agassi, Ali Assaf, Delphine Bedel, Guillaume Chamahian, Dan Perjovschi, Dania Reymond Orlando Britto Jinorio, Said Afifi, Nikos Charalambidis, Guy Limone, Gérard Fromanger, Nelson Pernisco, Benjamin Bertrand, Mounir Fatmi.

Caroline Tabet, The Dome 05, 2001, Hahnemüle Baryta FB Paper ,80 x 120 cm, Edition 1/3 + 1 AP (Art Factum)
Caroline Tabet, The Dome 05, 2001, Hahnemüle Baryta FB Paper ,80 x 120 cm, Edition 1/3 + 1 AP (Art Factum)
Lalla Essaydi, Bullets Revisited #3, 2012, chromogenic print sur aluminium, en 3 parties l’ensemble 152,4 x 365,7cm
Lalla Essaydi, Bullets Revisited #3, 2012, chromogenic print sur aluminium, en 3 parties l’ensemble 152,4 x 365,7cm
Wiame Haddad Ceux qui restent
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