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Édito #36

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Qu’attendons-nous, au juste, des artistes ? C’est une question que pose en filigrane ce numéro de fin d’année de Diptyk. L’art n’a jamais été un métier aussi sérieux et les artistes (et curateurs) jamais autant sommés de s’exprimer sur les maux et dysfonctionnements des sociétés. Et tous le font plutôt bien.
 

Diptyk a parcouru un bout de la planète cet automne et vous rend compte, par exemple, de l’exposition « Femmes, Artistes Marocaines de la Modernité 1960-2016». La curatrice Rim Laâbi signe à Rabat un propos très engagé et le jeune musée Mohammed VI ose monter une expo de genre et affronter les nécessaires accusations de ghetto. Soit. Elles y sont toutes ou presque, et si les anciennes chuchotent leur domination dans la délicate litote d’un art-artisanat, les plus jeunes sont trash, l’une étripant un serpent barbu, sous le slogan « everyone can eat apple » (Monia Abdelali) ; l’autre déclarant avec une fausse ingénuité : « J’attends toujours de devenir une grande pour décider de ma vie » (Carolle Benitah).
 

Au musée du Jeu de Paume à Paris, l’exposition « Soulèvements » mélange les époques, les formes et les zones géographiques et chorégraphie une transe universelle en postulant que se soulever, « c’est retrouver la divine énergie du désir », comme l’écrit Marie-José Mondzain dans le catalogue.
 

Cet automne, les artistes ont été attendus au tournant de la Conférence des Parties, sommés là encore d’exprimer un avis sur l’avenir de la planète. Contrat tenu. Amine El Gotaibi, dont nous livrons un portrait de l’artiste en cultivateur, signe son premier grand solo show à Marrakech dans le nouvel espace du Comptoir des Mines. Il a littéralement « éprouvé » le territoire marocain en arpentant douze régions du pays sur 18 000 km pour y creuser la terre et y inscrire son nom en lettres monumentales. De cet acte performatif, il livre une réflexion tant politique qu’écologique et rapporte une installation magistrale faite de temps et de sueur, comme la sobre agriculture de nos ancêtres.
 

Le public en redemandera, c’est certain. Et il a raison. Pourtant, la question des attentes d’un public mondialisé peut aussi créer un dysfonctionnement, que relève la curatrice Myriam Ben Salah dans l’important entretien qu’elle accorde à Diptyk. Retenez ce néologisme qui fera date : « désorientalisme » est le terme qu’elle emploie pour définir une nouvelle génération d’artistes issus du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de la diaspora qui mènent deux batailles : contre les stéréotypes médiatiques et contre une forme de standardisation de la production artistique qui consiste toujours à jouer l’authenticité ou raconter ses traumatismes.
 

C’est dans la seconde bataille que se joue l’avenir de nos artistes : ne jamais être là où ils sont attendus.

 

Meryem Sebti 

Directrice de la publication et de la rédaction

 

 

 

 

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