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ENTRETIEN AVEC MYRIAM BEN SALAH

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Myriam Ben Salah

 

Pour son premier numéro en tant que rédactrice en chef de la revue Kaleidoscope, Myriam Ben Salah consacre un large dossier à ce qu’elle nomme « désorientalisme ». La jeune critique et curatrice tunisienne y exprime son engagement contre les stéréotypes que l’Occident continue de véhiculer sur le Moyen-Orient.

 

Quelle traduction française proposez-vous pour le terme « disorientalism » ?

Comme en anglais, le néologisme me semble parler de lui-même : je dirais donc « désorientalisme », au sens d’une réaction à cette forme contemporaine d’orientalisme dérivée des mouvements littéraires et artistiques du XIXe siècle et réactualisée par l’universitaire américano-palestinien Edward Saïd dans sa critique des méthodes coloniales de représentation du Moyen-Orient.

 

Comment définissez-vous ce concept et pourquoi lui consacrez-vous votre premier dossier en tant que rédactrice en chef de Kaleidoscope ?

À mon sens, ce néologisme définit une nouvelle génération d’artistes issus du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de la diaspora qui mènent deux batailles : contre les stéréotypes médiatiques concernant la région d’une part, et contre une certaine standardisation de la production artistique d’autre part. L’universitaire marocain Mohamed Rachidi parle de « commande tacite » pour définir le regard occidental qui conditionne certains artistes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à « performer » l’authenticité à travers des formules esthétiques préconçues, des récits traumatiques et des choix de matériaux spécifiques au sein de leur production. J’ai l’impression qu’une nouvelle génération d’artistes, dont je me sens proche et qui a grandi « connectée », est en train de rompre avec ce carcan à l’ère du cosmopolitisme digital.

Il me semblait important d’intégrer ce sujet à mon premier numéro de Kaleidoscope car il s’agit d’une recherche que je mène depuis un certain temps, née à la fois d’un intérêt pour ces nouvelles formes de production, mais aussi, et sans doute indirectement, de quelque chose de plus personnel. Ces artistes sont de ma génération et nous partageons un certain nombre de références, il me semblait donc important de les mettre en avant. Je pense également que ce sujet – et la nécessité qu’il implique d’abandonner les approches simplificatrices – est essentiel dans un monde qui subit au même moment le discours d’un Donald Trump et les dérives des extrémismes religieux. C’est également une réponse importante selon moi au sort qui est fait au Moyen-Orient dans les médias, souvent pris en étau entre imprécisions rhétoriques et simplifications abusives.

 Comment se porte la scène artistique moyen-orientale ?

Justement, je ne parlerais pas de « scène » moyen-orientale au singulier car il y a autant de scènes que de pratiques. Mais on constate effectivement depuis une dizaine/quinzaine d’années la multiplication d’expositions dédiées à « l’art contemporain du monde arabe », qui n’est pas sans lien avec une certaine réaction institutionnelle post 11 septembre 2001, ou avec un marché en croissance constante par l’afflux de collectionneurs, mécènes issus de la région et grandes fortunes du Golfe par exemple. Par ailleurs, et indépendamment de ces deux facteurs, on constate un grand dynamisme des artistes et des institutions dans des villes comme Beyrouth, Marrakech, Dubaï, Sharjah, Tunis, Rabat, Tanger, Jérusalem, pour n’en citer que quelques-unes. Elles deviennent de véritables points d’accès internationaux grâce à l’organisation de biennales (Sharjah, Marrakech), de festivals (Home Works par Ashkal Alwan à Beyrouth), de programmes de résidence pour artistes et curateurs (Dar Eyquem en Tunisie ou el-Atlal à Jéricho) ou encore grâce à l’essor sur la scène internationale d’artistes dont l’engagement pour la région transcende la production artistique – je pense notamment à Walid Raad et à l’Atlas Group. Ces initiatives, sans pour autant former une « scène », sont essentielles en ce qu’elles remettent en cause les équilibres préconçus et les relations centre/périphérie dans le paysage international de l’art contemporain (…)

Retrouvez la suite de cet entretien dans le numéro #36 de Diptyk Mag actuellement en kiosque

 

Propos recueillis par Marylène Malbert

Meriem Bennani, Fardaous Funjab, Funjab du 4-Juillet, 2016

© Meriem Bennani

 

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