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entretien avec Nabil Bayahya : Quel modèle culturel pour le Maroc ?

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Consultant, il est aussi l’auteur d’un ouvrage à paraître sur les politiques culturelles, dans lequel il analyse leur origine, leur mise en oeuvre et propose des pistes adaptées à l’ère d’Internet.
Propos recueillis par Marie Moignard
Dans votre livre, vous soulignez que les politiques culturelles sont souvent perçues comme des dépenses inutiles, qui ne bénéficient qu’à une élite. Comment sensibiliser le public à la nécessité d’une politique culturelle dans un pays en voie de développement comme le Maroc ?
La politique culturelle est trop souvent assimilée à la subvention culturelle et concentre, de ce fait, tous les procès en inefficacité que l’on adresse à la dépense publique. Or, le principe même de la subvention est de remédier à l’insuffisance des marchés au nom des bénéfices qu’en retire la société. À court terme, les politiques culturelles offrent une animation locale qui sert le dynamisme et l’attractivité d’une région. À moyen terme, la connaissance des arts favorise l’ouverture d’esprit et la formation intellectuelle, et complète ainsi une éducation de qualité.
À long terme, l’engagement culturel forge l’identité nationale de demain, dont l’enjeu sera de ne pas se fondre dans la globalisation qui est aujourd’hui dominée par les cultures occidentales. Mais surtout, la politique culturelle ne se résume pas à la dépense publique. Une grande partie de la culture relève du privé, et le rôle de l’État est de lui offrir un environnement réglementaire et institutionnel qui lui permette de fonctionner. Ces mesures ne coûtent pas d’argent et peuvent en rapporter beaucoup.
Vous rappelez que la politique culturelle du Maroc s’est construite sur le modèle français, imposé sous le Protectorat. Quels en ont été les points positifs et négatifs pour le pays ?
La première partie du Protectorat a été marquée par la politique de Lyautey, qui a souhaité valoriser le Maroc traditionnel tout en encourageant les avantgardes culturelles auprès des colons français. Les Marocains ont été cantonnés au folklore, alors que les Européens ont bénéficié de nouveaux loisirs comme la radio ou le cinéma. L’une des premières mesures du Protectorat a été de créer une direction du Patrimoine chargée de classer les monuments historiques et de créer des musées archéologiques, ce qui a certes permis un travail important des historiens d’art, mais a surtout handicapé les propriétaires des demeures traditionnelles, interdites de modernisation. À l’inverse, dans les quartiers français, les architectes sont venus expérimenter les dernières nouveautés de l’Art-Déco. Le Protectorat a été loué pour sa bienveillance à l’égard du pays colonisé, mais c’est oublier qu’il reposait sur la culture comme arme de domination. C’est peut-être ce qui explique inconsciemment le manque d’enthousiasme des Marocains pour la politique culturelle.
Comment s’est développé la culture à l’Indépendance ? Y a-t-il dans l’histoire récente un exemple de politique culturelle qui ait réussi ?
La politique culturelle française a eu plusieurs modèles successifs, qui ont été mis en place après le Protectorat et n’ont impacté le Maroc que par mimétisme.
Cela a commencé par la « culture pour tous » théorisée par André Malraux en 1959, dont l’objectif était d’offrir les « grandes cultures » au peuple au nom de la démocratisation. Puis il y a eu la « culture pour chacun », mise en oeuvre à partir de 1981 par Jack Lang, pour encourager toutes les cultures à égalité, au nom de la diversité.
Vous pouvez lire la suite de cet article dans le Diptyk magazine numéro #28
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