La colonialité, ce sont les constructions socio-historiques qui perdurent au-delà du colonialisme qui les a engendrées.La fin des empires coloniaux ne signe ni la fin des inégalités structurelles Nord/Sud, ni la fin d’une injustice épistémologique qui fait que les savoirs du Sud global continuent à être sous- estimés ou à être regardés sous le prisme ethnologique qui les renvoie souvent à de simples « coutumes ». C’est l’héritage, toujours actif, de la manière dont l’Europe a organisé le monde à partir du XVIe siècle, un monde séparé entre civilisations supérieures et civilisations inférieures, et qui organise une géopolitique des savoirs dans l’organisation du travail, les représentations, les inégalités commerciales, le genre… Si beaucoup de choses ont changé depuis les empires coloniaux, des processus de racialisationpersistent, ces processus qui fabriquent et désignent des groupes, des peuples, des communautés comme radicalement autres, comme étrangères à des principes dits universels mais qui sont en réalité uniquement européens. L’islamophobie en est un des exemples : les musulmans, déjà perçus comme un groupe uniforme, ont été créés commeradicalement différents, appartenant à des sociétés hostiles par nature aux droits des femmes, ce qui autorise gouvernements et sociétés en Europe à voter des lois, à justifier des pratiques antimusulmans. La négrophobie est un autre exemple, ce racisme anti-Noir auquel aucune société n’échappe, même pas celles du nord du continent africain.