Au musée de Bank Al-Maghrib, « Miroir collectif » rassemble les pionniers et la jeune scène

Le concept de l’exposition proposée par le Musée de Bank Al-Maghrib a de quoi séduire. « Miroir collectif » fait dialoguer deux générations d’artistes – Cherkaoui/ El Gotaïbi, Belkahia/Akrim,… – à travers une sélection d’oeuvres muséales, dont certaines issues de la collection de l’institution marocaine. Sollicité il y a dix ans pour concevoir le musée, Hicham Daoudi, curateur associé de cette exposition ambitieuse, nous en explique le propos et les enjeux.

Quel est le véritable sujet de cette exposition et le sens de ce titre, qui est celui d’une œuvre de Abdelaziz Zerrou ?

J’ai beaucoup aimé le titre de l’œuvre d’Abdelaziz Zerrou représentant Mohammed V. L’artiste nous invitait à nous interroger sur notre histoire politique et laissait entendre qu’au moment des luttes pour l’indépendance, la figure du roi Mohammed V était le miroir de toute la société marocaine avec toutes ses espérances. À ma façon, au moment de réaliser cette exposition, je voulais réutiliser ce titre, « Miroir collectif », pour montrer que notre histoire de l’art reflétait sans cesse nos aspirations, nos doutes et nos questionnements, malgré le temps qui passe ou l’évolution des gestes et des pratiques.

Cette exposition est aussi un énorme témoignage d’amour envers des artistes que j’ai connus uniquement à travers leurs œuvres, comme Ahmed Cherkaoui, Jilali Gharbaoui, ou que j’ai eu la chance de connaître un petit moment, comme Mohammed Kacimi, Farid Belkahia et Mohamed Chebâa, ainsi que toute la scène d’aujourd’hui, que j’ai la chance de côtoyer.

Quels imaginaires partagent ces générations, consciemment ou pas ?

Les œuvres sélectionnées nous invitent à regarder des thématiques précises : l’identité, l’héritage culturel et sa traduction dans l’art, le territoire avec ce qu’il engendre comme engagement, et l’humain avec ses aspirations dans ces temps difficiles. Ces générations d’artistes ont en commun un regard sur le monde et la société immédiate dans laquelle ils sont projetés. Le parcours tente d’établir en quatre étapes ces liens inconscients qui rapprochent les imaginaires de ces différentes générations et leurs engagements respectifs à parler de sujets toujours très ardents.

On pourra voir que des artistes comme Mustapha Akrim, Mohamed Arejdal, Amina Agueznay, Simohammed Fettaka, Amine El Gotaïbi, Khalil Nemmaoui, Larbi Cherkaoui, Abdelaziz Zerrou et Mariam Abouzid Souali ont une approche différente de leurs aînés pour aborder certaines thématiques, et le dialogue entre les générations sera formidable. La peinture ne sera pas le langage artistique dominant de l’exposition. Cette transitionvers les nouvelles pratiques est en fait amorcée depuis les années 60 par Farid Belkahia et Mohamed Melehi. Au public de voir que la terre, le béton, les laines colorées, les circuits électroniques répondent aux peaux, aux cuivres, aux découpages cellulosiques et aux peintures plus classiques. Les deux générations sont en fait deux avant-gardes artistiques qui transforment nos perceptions et jouent avec nos sens. En réalité, tous ces artistes se sont employés à réinventer le genre et la création depuis 1955, ils ont en commun le courage et l’audace.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro 49 de Diptyk actuellement en kiosque et en ligne.

« Miroir collectif », Musée de Bank Al Maghrib, Rabat, du 19 juin au 1er septembre 2019.