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MEHDI CHOUAKRI, GENTLEMAN ESTHÈTE

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Si l’on sait qu’il est le galeriste de trois Prix Marcel Duchamp, on ignore parfois qu’il est berlinois depuis 1996. De naissance algérienne, de culture française et de nationalité allemande, Mehdi Chouakri s’ouvre à diptyk.

Quel est votre parcours personnel ?

Je suis né à Alger, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Après le Baccalauréat, j’ai décidé de partir en France pour continuer mes études. En 1990, je suis arrivé à Paris pour faire un Deug d’arts plastiques, à Saint Charles/Université Paris I (Panthéon-Sorbonne). Outre l’histoire de l’art, le design m’intéressait beaucoup, et l’art contemporain en premier lieu. Très vite, j’ai découvert le programme des galeries, les plus établies comme les plus prospectives. Au milieu des années 1990, il y avait à Paris deux pôles incontournables sur la scène contemporaine : d’un côté,Hélène Fleiss et Olivier Zahm avec le magazine Purple ; de l’autre,Nicolas Bourriaud et Eric Troncy avec la revue Document. Début 1994, « L’hiver de l’amour » présenté à l’Arc-musée d’Art moderne de la Ville de Paris compta également comme l’une des expositions les plus marquantes du moment. Enfin, ce fut une période très inventive qui jeta les bases de l’esthétique relationnelle en France, ainsi que pour certains artistes montrés par la galerie Air de Paris ou encore chez Jennifer Flay, aujourd’hui co-directrice de la Fiac.

Comment votre carrière de galeriste s’est-elle annoncée ?

En 1995, j’ai rencontré l’artiste Sylvie Fleury lors de l’inauguration de laBiennale de Venise. En devenant son assistant à Paris, j’ai commencé à l’aider sur ses projets. La même année, le Musée national d’art moderne-Centre Pompidou (Mnam) avait programmé « Féminin-Masculin, le sexe de l’art ». Après ça, je suis rentré chez Gilbert Brownstone auprès de qui je m’occupais des expositions, des archives, jusqu’à l’été 1997. Pour ma part, j’avais déjà une vision générale des artistes qui m’intéressaient. Evidemment, Gilbert Brownstone suivait ses propres idées, et même si nous partagions certains points de vue, j’ai compris qu’il fallait que j’ouvre ma propre galerie pour défendre mes choix. A peine un an plus tard, j’inaugurai mon premier espace à Berlin. Dès le départ, j’ai pris le soin d’y établir un vrai programme, pas simplement une liste d’artistes. Là-dessus, Sylvie FleuryClaude CloskyJens Haaningm’ont rejoint. Et puis d’autres, GerwaldRockenschaubJohn Armleder, etc.

Galeriste de trois Prix Marcel Duchamp – Mathieu Mercier (2003), Claude Closky (2005) et SaâdaneAfif (2009) –, défendez-vous plus particulièrement l’art français en Allemagne ?

A l’ouverture de ma galerie à Berlin, on m’a très souvent demandé si je n’y représenterais que des artistes français. A chaque fois, je martelais : « Non, je ne serai pas une galerie française avec un programme national ; je serai une galerie berlinoise avec un programme international ». D’ailleurs, j’estime qu’il est complètement inutile de montrer des artistes français dans un contexte national. En exposant Claude Closky ou Mathieu Mercier, que j’ai d’ailleurs rencontrés à Berlin vers la fin des années 1990, il était plus essentiel pour moi qu’ils soient vus dans un contexte international. (…)

Ville de création par excellence, Berlin est-elle une place de marché rentable pour le commerce de l’art ?

Avant l’arrivée du nazisme, Berlin fut une capitale des arts et de la création, du moins pour l’Allemagne de l’entre-deux guerres. En 1933, tout s’est arrêté du jour au lendemain. A quoi s’est ajoutée la période communiste. D’où l’absence de développement artistique qui aurait pu générer un marché de l’art plus ambitieux. Après la chute du Mur, il était clair qu’il n’y avait pas de collectionneurs à chaque coin de rue. Malgré tout moins conservatrice que Paris, Berlin permet d’imaginer plus de projets en tant que galeriste. Etant donné le coût de la vie moins élevé, y compris les prix modiques au mètre carré de l’immobilier, il existe à Berlin des espaces accessibles, qu’il est impensable d’obtenir à Paris. Sans parler des facilités administratives pour s’installer sur place. En Allemagne, créer une entreprise ne coûte presque rien, pas besoin de fonder une Sarl par exemple. Ce qui n’est pas envisageable en France. Bref, voilà ce qui rend Berlin très attractif pour le commerce de l’art. Aujourd’hui, les collectionneurs du monde entier viennent à Berlin qui abrite quelque dix mille artistes internationaux.(…)

Entretenez-vous des contacts avec la clientèle des pays dits émergents ?

Sans vouloir être hautain, j’ignore ce que signifie l’expression « pays émergents ». Avec les artistes, c’est pareil, on ne parle pas de leur nationalité mais de leur création.

Extraits de « Mehdi Chouakri, Gentleman esthète », p. 64. Retrouvez le texte intégral dans diptyk n°4, février/mars.

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