Mounir Fatmi, ténor de l’art contemporain marocain, expose pour la première fois en solo à Marrakech avec le MMPVA, au Palais Badii.
Après un retour aux sources à Casablanca en 2014, et une intervention remarquée dans l’ancienne prison de Meknès pour les Journées du Patrimoine en 2015, Fatmi semble de plus en plus enclin à investir la scène marocaine. En parallèle de la biennale, le MMP lui a proposé une carte blanche que l’artiste tangérois a choisi de centrer sur le thème de l’altérité.
L’enfer, c’est les autres ?
Pour Fatmi, c’est surtout et avant tout le rapport avec soi. Avec une sélection d’œuvres encore jamais montrées au Maroc, il fait revivre des exemples historiques de rencontres improbables.
Dans Who is Joseph Anton (2012), Mounir Fatmi confirme son obsession pour Salman Rushdie, qu’il avait déjà convoqué dans la vidéo Sleep Al Naïm (2005-2012) où l’on pouvait observer par un jeu de manipulation digitale l’écrivain britannique assoupi, entre sérénité et vulnérabilité. Ici, l’artiste marocain produit une série d’étranges portraits qui mêlent le visage de Salman Rushdie et de ses mentors Josef Conrad et Anton Tchekov pour donner une image supposé de « Josef Anton », le pseudonyme utilisé par Rushdie pour contourner la censure (un thème cher à Mounir Fatmi, lui qui l’a si souvent subie). Il en résulte un jeu de pistes autour de la confusion d’identité, à la fois visuelle et mentale.
Faire corps avec l’altérité
La série The Blinding Light (2013-2015) va encore plus loin dans la rencontre des corps. Fatmi y donne sa version contemporaine d’un tableau du maître de la Renaissance italienne Fra Angelico, La Guérison du diacre Justinien. Il représente la greffe d’une jambe d’un Ethiopien sur un Chrétien, d’un membre de corps noir sur un corps blanc, par des frères jumeaux d’origine arabes, convertis au Christianisme. Dans cet ensemble de photographies, les figures aériennes de Fra Angelico apparaissent en surimpression d’une vue de salle d’opération. La religion et la science se confondent dans cette légende qui parle définitivement de croyance, un thème qui fascine Mounir Fatmi.
Pour comprendre l’autre, il faut le devenir un peu
Devient-on une part de l’autre quand on le reçoit en son sein ? C’est l’expérience qu’a voulu tenter le journaliste américain John Howard Griffin. Projet le plus impressionnant de la sélection, l’hommage que lui rend Mounir Fatmi dans As a Black Man (2013-2014) rappelle ce fait réel : à coup de traitement médical, Griffin a volontairement et irréversiblement bruni sa peau pour devenir noir. Son but ? Expérimenter de l’intérieur la condition des Noirs dans l’Amérique des années 50, pour mieux comprendre la discrimination dont ils étaient victimes. Un engagement radical qui a semble avoir forcé l’admiration de Fatmi. La pièce Darkening Process (2013-2014) qui a donné son nom à l’exposition du MMP rappelle le seul métier qu’a pu trouvé John Howard Griffin après sa transformation : cireur de chaussures. Un passage au noir, encore et toujours…
Mounir Fatmi livre ici l’une des expositions les plus convaincantes que l’on peut voir en parallèle de la Biennale de Marrakech. Une expérience à ne pas rater, pour mieux questionner son rapport avec l’autre, avec tous les autres.
Groupe de l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca lors de la visite du peintre italien Agostino Bonalumi (au centre), invité par Farid Belkahia, Mohammed Chebâa (à droite de Belkahia) et le peintre Mohamed Melehi au premier plan, en 1966. Archive Fon
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