Dans son studio improvisé, Phumzile Khanyile met en scène son ennui et sa solitude. Mêlant une iconographie à la fois intime, enfantine et punk, ses images saugrenues – voire morbides – explorent une palette à la fois douce, floue et contrastée qui ne va pas sans rappeler les filtres Instagram. C’est en plaçant un voile devant l’objectif de son appareil numérique qu’elle obtient cet effet désuet. Ses autoportraits disent ses peurs, son envie d’émancipation, ses questionnements sur la condition des femmes en Afrique du Sud, sa sexualité, mais aussi la difficulté de faire face au monde. Ils constituent aussi une clef de lecture pour comprendre les changements d’esthétiques et de pratiques au sein même de la célèbre école Market Photo Workshop. Comme le souligne le critique sud-africain Sean O’Toole dans Artforum, les photos de Phumzile Khanyile rappellent « la maladresse des autoreprésentations frêles de Francesca Woodman et le fétichisme de Guy Bourdin – des noms que vous n’associeriez pas à cette école de photographie qui compte parmi ses diplômés Zanele Muholi et Jodi Bieber ». C’est en effet les images icôniques du photographe de mode Guy Bourdin, où surgissent des jambes et chaussures sans corps ni visages, qu’évoque avec un côté glamour moins papier glacé, l’un des autoportraits de Phumzile Khanyile : devant un rideau blanc, se dresse, seule, sa jambe gauche arborant fièrement une chaussette noire dans une chaussure à talon rouge.
À 28 ans, cette jeune artiste a reçu le Cap Prize 2018, ce qui lui a permis d’exposer pendant Art Basel.