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Hakim Benchekroun, la photographie survivra à ses ruines

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Toujours guidé par son intérêt pour la cartographie et le territoire, Hakim Benchekroun élargit, dans sa dernière série Cosa mentale, le spectre de l’expérimentation photographique.

Depuis sa première série Lost in Morocco, consacrée à des ruines architecturales, Hakim Benchekroun pratique une photographie expérimentale teintée d’une vision mélancolique du monde. « On est passé d’une poésie de la ruine, commente-t-il, à quelque chose de l’ordre de la consommation et du déchet. Ce que l’on fabrique aujourd’hui, ce sont des gravats. » Marqué par la lecture de Walter Benjamin – De l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique –, l’artiste semble faire le même constat désabusé concernant l’image photographique, toujours menacée de disparaître. « J’adore le caractère fétichiste de l’oeuvre d’art », ajoute-t-il, n’hésitant pas à assimiler ses premiers travaux à des cabinets de curiosité.

Cosa Mentale, 2022, tirage photographique sur papier teinté, 2022. © Hakim Benchekroun Heritage Hyper Photography, 2020, tirage sur verre et archive originale. © Hakim Benchekroun Heritage Hyper

Dans la série Heritage Hyper Photography, Hakim Benchekroun superposait des archives endommagées de cités industrielles et militaires de la région de Midelt et des photographies sur verre des lieux correspondant à ces archives. « Pour moi, la photographie s’écrit au papier et au crayon. » Procédant par soustraction, il lui arrive aussi, dans son lent travail de repérage, de superposer des vues satellitaires à des cartographies anciennes, aussi bien ferroviaires, routières que militaires, pour identifier ce qui a disparu et partir à la recherche de ces lieux. La photographie s’apparente alors à une quête prenant la forme d’un road movie.

Cette esthétique de la trace le conduit aujourd’hui, dans une série intitulée Cosa mentale en hommage à Léonard de Vinci, à tirer ses photos sur des papiers anciens, plus ou moins déjà endommagés, sur lesquels il expérimente différents procédés chimiques. « J’imprime avec des trames d’impression anciennes qu’on utilisait pour les journaux, commente-t-il. Je travaille comme sur un palimpseste. » Ce ne sont plus seulement les architectures qui sont ici menacées de disparition, mais le papier d’impression lui-même, toujours sous le coup de se désagréger. Il en résulte de magnifiques tirages proches de l’anamorphose où se devine la disparition programmée de l’aura photographique au profit d’une dématérialisation galopante. Mais la mélancolie reste toujours compensée, chez Hakim Benchekroun, par un plaisir tout enfantin à expérimenter des dispositifs pour contrer l’inéluctable. Alors, oui, la photographie survivra à ses ruines.

Olivier Rachet

Heritage Hyper Photography, 2020, tirage sur verre et archive originale. © Hakim Benchekroun
Hakim Benchekroun, Lost in Morocco. Courtesy de l’artiste
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