Éros mystique au sommet des arbres
Saladi prend souvent le soin de dessiner ses sols lorsqu’il les utilise dans ses compositions. Les carrelages noir et blanc, les jardins fleuris et les gazons bien taillés… permettent à l’artiste d’asseoir les différents décors où évoluent ses personnages. Ici, rien de tout cela. Aucun parterre, aucune construction architecturale n’y figurent. Cette scène amoureuse est située au sommet des arbres qui se détachent sur un fond clair. Clarté qui n’est rien d’autre que celle, gardée en réserve, de la blancheur même du papier-support de l’œuvre. Abbès Saladi place ainsi ses personnages sur un arbre et notre regard à leur niveau, comme si nous-mêmes, perchés sur un autre arbre, regardions une scène animée par l’Éros mystique et où tout porte à l’élévation.
En effet, le mouvement vertical de la poussée de l’arbre axial est accompagné par l’orientation des têtes et des regards des deux couples humain et volatile (symbole de la dynamique ascensionnelle), mais également par le mouvement et l’orientation des rameaux qui pointent leur feuille unique comme un fer de lance indexant les hauteurs célestes. Sans doute, bien plus qu’une simple relation horizontale du couple amoureux que relie le mouvement d’une forme sinusoïdale à partir de leur abdomen ouvert, cette œuvre de Saladi entraîne à l’élan vertical, comme pour viser les sphères extatiques. Elle cherche à nous élever vers un univers paradisiaque que peuvent symboliser et la croissance arborescente et les deux oiseaux prêts à décoller pour se perdre dans le ciel.
La faune et la flore reviennent continuellement dans les oeuvres de Saladi qui travaille toujours à les articuler en une poésie faite de glissement et d’échos, de correspondance et d’hybridation… L’artiste cultive sans cesse les jeux de la métamorphose qui font glisser les formes du corps humain à l’arbre et de l’arbre à l’oiseau et vice versa…