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Malgré un marché en berne, les galeries sortent de leur zone de confort à Art Paris

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Pour sa 26e édition, la foire Art Paris réunit jusqu’à dimanche 136 galeries internationales à travers lesquelles se dessinent quelques tendances comme celle du textile mais aussi une certaine inquiétude sur le thème de l’écologie et de la nature.

« Cela reste calme pour le moment ». À la galerie Carole Kvasnevski, on ne se laisse pas pour autant gagner par l’inquiétude, le deuxième jour de Art Paris. Pour sa troisième participation, la galerie parisienne, spécialiste des scènes africaines, sait que sur cette foire printanière qui a aménagé des horaires spécifiques pour collectionneurs chaque matinée, cela se joue tout au long des 4 jours que dure l’événement. Sur son stand hétéroclite, qui présente deux grands bronze de l’artiste sud-africaine Zanele Muholi ou les portraits brodés d’Ibrahim Ballo, les amateurs d’art s’attardent sur la série argentique de l’artiste belgo-togolaise Hélène Amouzou qui se met en scène dans des autoportraits où surimpressions et flous créent un effet vaporeux et onirique – entre 2 900 et 5 800 euros selon le format en édition de 5.

Hélène Amouzou - Autoportrait, Molenbeek. 2011 - 2020 - 2022, 24 x 30.5 cm, -analogue camera print - © Galerie Carole Kvasnevski

stands curatés

 

Pour sa 26e édition, la foire Art Paris rassemble, sous les arches du Grand Palais éphémère, 136 galeries dont plus de la moitié – 60 % – sont françaises. Malgré un marché de l’art en plein ralentissement, certaines galeries ont misé sur des solo show. Un pari risqué mais souvent audacieux comme sur le stand de Véronique Rieffel qui propose une immersion dans l’univers tout en pastel de Katia Kameli ou sur celui de Nil Gallery qui expose un ensemble de tableaux de Fathi Hassan. Avec sa proposition « Goodbye Nubia », l’artiste égyptien nous plonge dans un monde de signes d’où émerge une faune exotique. Des grands formats à 24 000 euros à l’esthétique fragmentaire sous forme de carte mentale qui rappelle un certain art aborigène.

 

Un travail de curating se décèle sur de nombreux stands comme sur celui de la galerie Tanit qui présente le travail de 5 artistes femmes avec une prédilection pour le paysage, tendance de cette édition. L’artiste libanaise Tamara Haddad réalise, à l’aide de matériaux naturels comme le sable ou des branches d’arbre, des paysages texturés tout en flammes (5 500 euros pièce) qui ont trouvé acquéreurs les premiers jours de la foire. Face à ces paysages menacés de disparition, le grand format A letter to The Persian Garden de l’iranienne Mojé Assefdjah mêle formes florales et géométriques en une composition abstraite sublimée par la douceur des tons pastels (17 300 euros).

 

Le paysage retrouve les faveurs des plasticiens sans doute portés par des préoccupations écologiques qui se font de plus en plus prégnantes dans leurs œuvres. Que ce soit à travers les tournesols emprisonnés dans de la cire de Victoire Inchauspé (galerie Hors-cadre) ou dans les photographies d’arbres meurtris tirées au charbon de Sophie Zénon (galerie XII). Comme pour rappeler notre lien ambigu à cette nature, Flore propose de petites Natures mortes sur le stand de Clémentine de la Ferronière, tirées au polaroid et réalisées au Maroc.

Vue du Stand de Richard Saltoun avec des oeuvres de Barbara Levitoux- Swiderska et Magdalena Abakanowicz.

Textiles à foison 

 

Dans cette sélection internationale, plusieurs artistes du continent sortent de la labellisation géographique : Mohamed Lekleti représenté par la galerie Valérie Delaunay ou l’artiste Wallen Mapondera, vu à la dernière biennale de Venise au sein du pavillon du Zimbabwe, ici présent sur le stand de la galerie Mitterrand.

 

Depuis 2021, les œuvres textiles reviennent en force sur le marché qui leur accorde désormais une place notable. Une tendance qui se confirme une fois de plus à Art Paris avec, cette année, un focus Art & Craft curaté par le critique d’art Nicolas Tremblay. Il explique : « depuis le début du XXI e siècle, avec le développement d’un art plus globalisé mettant en avant des usages ou des groupes minorisés, on assiste à une émergence d’œuvres dont les techniques sont traditionnellement liées à celles de l’artisanat de même que l’on redécouvre des œuvres d’artistes aussi bien historiques que contemporains dont les procédés empruntent aux artisans. »

Disséminé dans la foire – ce qui a sans doute un peu desservi le propos – le focus met en avant, sur le très réussi stand de Richard Saltoun dédié à des artistes textiles, les oeuvres de Barbara Levitoux- Swiderska, l’une des grandes figures de l’école polonaise de textile. Celle-ci fait face à une autre pionnière polonaise, Magdalena Abakanowicz, dont certaines pièces dépassent les 100 000 euros. On retiendra aussi au sein de ce focus une tapisserie texturée de Josep Grau-Garriga (galerie Claude Bernard) ou les tissages de Joël Andrianomearisoa (galerie Almine Rech). Mais parce que ce focus ne se résume pas au textile – le travail de la céramique est aussi très valorisé – il  a sans doute poussé certaines galeries à proposer des oeuvres atypiques comme les délicates verreries de Sara Ouhaddou sur le stand de la galerie Polaris. Avec Siniya d’El Aaroussa – Le plateau de la mariée, la plasticienne s’intéresse à l’enrobage sur noyau, un savoir-faire traditionnel menacé par de nouvelles techniques.

 

Finalement on retiendra de cette édition une grande diversité de médiums et quelques découvertes notables comme le plasticien franco-béninois Marc Johnson (galerie Mitterrand) qui lance une réflexion poétique sur la traite transatlantique. Au sein d’une fine tapisserie, il imagine des êtres aquatiques en référence au mythe de Drexciya, cette Atlantide noire imaginaire. Un solo show « The Sea Is History (after Derek Walcott)» lui est consacré par la galerie parisienne jusqu’au 16 mai. À ne pas manquer, assurément.

E.O.

Fathi Hassan, Nubian Crocodile (détail), 2024, technique mixte sur papier, 195x145 cm. Courtesy de l'artiste et de Nil Gallery.
Vue des photogrammes de Sophie Zénon sur le stand de la galerie XII.
Victoire Inchauspé, Sans titre, 2024.
Vue d'une oeuvre du Zimbabwéen Wallen Mapondera sur le stand de la galerie Mitterrand.
Vue de la tapisserie de Marc Johnson sur le stand de la galerie Mitterrand.
Vue de l'oeuvre texturée de Josep Grau-Garriga sur le stand de la galerie Claude Bernard qui fait partie du focus Art&Craft.
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