La Walther collection interroge le rôle des femmes dans la photographie africaine

La curatrice Sandrine Colard expose pour la première fois des trésors de la Walther Collection au Canada, pays réputé pour son féminisme prononcé.

Détournant la célèbre mélopée américaine The way you look tonight, l’exposition « The way she looks » réunit une sélection de photos de la Walther Collection au Ryerson Image Centre de Toronto. Sandrine Colard – par ailleurs directrice de la Biennale de Lubumbashi cette année – y explore le rôle des femmes dans la photographie africaine, à la fois comme modèles et comme faiseuses d’images. Les corps fétichisés de la photographie colonialiste font bientôt place à une intervention des modèles féminins dans la construction de leur propre représentation. Ce sont les années 50 et 60, les studios kinois et bamakois de Sidibé et Keïta, où la mise en scène de soi et les indépendances invitent à s’assumer, mêlant culture locale et modernité occidentale. Puis vient « l’acte féminin de voir » avec le développement de l’art africain contemporain, infusé de féminisme (et inversement ?). Des artistes comme Jodi Bieber, Zanele Muholi ou encore Lebohang Kganye passent derrière l’objectif pour distordre, malaxer puis recomposer la représentation du féminin. Ces portraits, souvent mis en scène et qui intègrent la communauté LGBT, projettent une image « augmentée » de la femme africaine pour écrire une fiction personnelle plus proche de la réalité.

Marie Moignard

« The Way She Looks : A History of Female Gazes in African Portraiture », Photographies de la Walther Collection, Ryerson Image Centre, Toronto, jusqu’au 8 décembre 2019.