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Les galeries marocaines sortent leur kit de survie

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La pandémie actuelle a mis à l’arrêt plusieurs secteurs d’activités commerciales. En première ligne, les galeries d’art subissent de plein fouet cette nouvelle crise économique. Mais elles s’organisent bon an mal an et songent déjà à se renouveler et à diversifier leur offre. 

Pour nombre de galeries marocaines, la situation est déjà dans le rouge. Si pour certaines, leur trésorerie leur permet de tenir encore quelques mois, beaucoup craignent un ralentissement durable de leurs activités. Pour Yasmina Naji, fondatrice de Kulte Gallery, « le confinement n’est pas arrivé à une trop mauvaise période : on a pu payer les loyers et les salaires. Tout le monde a été maintenu dans son poste. » Même son de cloche chez la plupart des professionnels, même si un sentiment d’inquiétude latent ressort : « Mon moteur, reconnaît Hicham Daoudi, fondateur du Comptoir des Mines, c’est la peur que tout s’arrête ». Beaucoup pointent le risque réel de cessation de paiement et regrettent, à l’image d’Aziza Laraki directrice tangéroise de la Gallery Kent, le manque d’aide publique : « Aucun subside, aucune subvention ! », se plaint-elle, emboîtant le pas à Hicham Daoudi qui appelle de ses vœux « une prise de conscience de l’État qui doit aider les secteurs de l’art. » Tout en rappelant « l’impact du rayonnement culturel sur celui de son pays », le directeur de la galerie Thema, Youssef Douieb, se demande si les pouvoirs publics estimeront « nécessaire de venir en aide à une niche qui pourrait lourdement pâtir des effets de cette crise sanitaire ».  

La situation anxiogène que la plupart des secteurs productifs connaissent révèle surtout la grande précarité du secteur. Fragilité d’ailleurs accrue par l’annulation ou le report de plusieurs évènements internationaux auxquels certaines structures devaient participer. African Arty dirigée par Jacques-Antoine Gannat a annulé sa participation à la MIA Art Fair de Milan et à la Biennale de Dakar ; le Comptoir des Mines et la Loft Art Gallery ont renoncé à leur déplacement aux Émirats arabes unis après que Art Dubaï a annulé son édition 2020.

Façade du Comptoir des Mines galerie à Marrakech.

Confinés, mais connectés

La plupart des galeries ont opté pour le télétravail et rejoignent peu ou prou le train de la révolution numérique. Tout d’abord pour maintenir le contact avec leurs artistes dont Hassan Sefrioui de la Galerie Shart reconnaît « qu’ils ont besoin d’être rassurés », en ces temps de grande incertitude. Avec leurs collectionneurs et leurs principaux clients, comme le reconnaît Ghislane Ghessous de So Art Gallery dont les conseils aux entreprises souhaitant constituer une collection se sont amplifiés : « N’oublions pas que l’art, commente la galeriste, reste une valeur refuge, et dans des moments de crise, certains de nos clients font parfois des placements dans des œuvres d’art ».

Mais c’est sans doute au public, confiné le plus souvent chez lui, que l’offre la plus diversifiée s’adresse. On ne compte plus les initiatives de visites virtuelles en ligne ou de talks organisés avec différentes institutions : « Dès la première semaine de confinement, reconnaît Jacques-Antoine Gannat, nous avons lancé une exposition virtuelle 3D en ligne associée à une newsletter » ». L’Atelier 21 propose pendant le mois de Ramadan une exposition collective annuelle,Voisinages, qui réunit pas moins de 17 artistes, mais prépare surtout « avec enthousiasme et optimisme [sa] traditionnelle exposition thématique collective de l’été en espérant, nous précise Nadia Ammor, qu’elle pourra avoir lieu en juin ». De son côté, la Galerie 127 de Nathalie Locatelli propose une visite virtuelle très réussie de l’exposition À quatre mains de Sara Imloul et Nicolas Lefebvre. Initiative louable aussi de la Gallery Kent qui a très tôt initié sur sa page Facebook la formule « Confinés mais inspirés » permettant, selon les mots d’Aziza Laraki, « de montrer des œuvres que les artistes réalisaient au fur et à mesure que les jours passaient ».

La Loft Art Gallery s’est lancée, de son côté, dans la diffusion d’une newsletter en ligne et échange avec ses artistes via l’hashtag #artspreadshope, afin « de communiquer autour de l’espoir », comme le revendique Yasmine Berrada Sounni. Quant à Hassan Sefrioui, il reste persuadé qu’il s’agit « de trouver désormais un nouveau modèle de communication », et dit réfléchir à une digitalisation inévitable des catalogues futurs ou à une plus grande production de visites en ligne. Pionnière en la matière, la plateforme online African Arty fonctionne déjà, selon son directeur, « sur un mode nomade, avec l’organisation d’expositions pop-up, […] mais aussi un fonctionnement collaboratif avec d’autres structures ». 

Galerie Shart à Casablanca.

Les défis devant soi

Pour autant, les défis à relever restent nombreux. Tout d’abord celui de la sortie prochaine du confinement dont on réalise qu’elle s’étendra sur plusieurs mois. Si Yasmina Naji envisage, dès que les consignes sanitaires du gouvernement le permettront, de rouvrir la librairie de Kulte Gallery, ce ne sera qu’en respectant « un protocole sanitaire strict ». Qu’en sera-t-il des prochaines expositions, des vernissages si prisés par un public féru d’évènementiel ? S’il est loisible un temps d’alterner visites virtuelles et visites sur réservation, il s’agira peut-être aussi de réinventer un modèle qui a fait ses preuves. « L’art sera le grand gagnant de cette funeste histoire », prédit optimiste Hassan Sefrioui. Et de conclure : « l’art prendra une place encore plus importante dans la vie intellectuelle des gens ».

Olivier Rachet

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